François de Singly - Comment aider l'enfant à devenir lui-même
Livre

François de Singly : accompagnez le voyage de l’enfant vers lui-même  

11 mars 2018

 

Vous découvrirez dans cet article le livre « Comment aider l’enfant à devenir lui-même ? » de François de Singly

 

 

Cet article fait suite au carnaval d’articles organisé par Marion Loirat du blog https://liberte-pedagogique.com/. Les blogueurs s’organisent et publient autour du thème “Les livres qui vont révolutionner l’éducation”. Les lecteurs auront accès librement à la compilation sous forme d’ebook gratuit de tous les articles des meilleurs livres pour développer leur vision de l’éducation.”

 

« … Qu’aujourd’hui les parents ne veuillent pas apparaître sous les traits d’un personnage autoritaire qui exige sans expliquer ne signifie pas que ces hommes et ces femmes renoncent à être de vrais parents. (…) … tout le monde souhaite comprendre ce qu’il a à faire sinon pourquoi lire des livres sur l’éducation ? D’ailleurs, l’existence même de ces ouvrages traduit la rupture de l’ordre générationnel par rapport à des périodes antérieures. Auparavant, la mère devait éduquer son enfant comme elle avait été élevée, et prendre des avis auprès des femmes des générations précédentes. Aujourd’hui, elle se renseigne auprès des spécialistes, participe éventuellement à des échanges sur Internet, discute avec ses amis. » (François de Singly, « Comment aider l’enfant à devenir lui-même », p.44)

J’ai choisi ce livre de François de Singly – que je relis avec plaisir pour vous parler de la lecture que j’en fais, parce que c’est un propos qui continue à m’accompagner en tant que parent, mais aussi en tant qu’enseignante, et qui au-delà des interactions avec les enfants ou les étudiants m’inspire dans mes relations de tous les jours. Si nous continuons sur le chemin de l’apprentissage de nous-même tout au long de notre vie, ce livre invite au respect de l’autre, en tant que personne différente. Aussi, il me fait garder à l’esprit que l’enfant est un adulte en devenir et bien plus encore : un individu singulier avec sa propre identité. Le rôle que nous jouons et la place que nous prenons peuvent être décisifs dans l’épanouissement de ceux que nous côtoyons et a fortiori si c’est un enfant.

Ce serait une erreur de penser que ce livre ne s’adresse qu’aux parents sous prétexte qu’ils sont l’objet de l’essai : en tant qu’ancienne kinésithérapeute, ayant donné plusieurs années des soins pédiatriques – surtout en période de bronchiolites hivernales, je recommande ce livre pour toute personne en charge d’enfant. Donc au-delà des familles : les enseignants, les éducateurs, accompagnateurs d’activités extra-scolaires, les nounous, babysitteurs, les professionnels de santé, directeurs d’établissements, restaurateur scolaires, métiers du livre et du spectacle jeunesse, etc.

Avec François de Singly, faites un bilan éclairé de votre manière d’éduquer l’enfant

François de Singly est un sociologue Français. Il mène ses travaux depuis 1973 sur la famille, le couple, l’enfance, l’adolescence. Les femmes occupent aussi une large place dans ses enquêtes, ainsi que les inégalités de genre. Son analyse de ces terrains dévoile nos différentes dimensions identitaires, c’est-à-dire les divers rôles que nous jouons selon que nous sommes « fils ou fille de… », « ami/amie de… », ou « élève de… », etc. Nous accédons ainsi à la manière dont nous nous construisons dans le regard de l’autre, l’« autrui-significatif ». François de Singly montre la place particulière du conjoint dans ce travail de construction de nous-même, ou dans ce cas-ci du parent pour l’enfant. Dans cette description du « processus d’individualisation », il montre la distanciation nécessaire à la construction de soi, c’est-à-dire cet « espace » dans lequel nous pouvons nous proclamer nous-même. C’est ce dont je vous parle ici.

Le point de vue sociologique, même s’il s’agit ici d’un essai, apporte incontestablement un regard distancié sur l’éducation des enfants. « Comment aider l’enfant à devenir lui-même » vous offre un tour d’horizon, et une remise en contexte historique et actuelle. Il vous offre des points de comparaison pour jauger vous-même les différents modèles qu’on vous tend : psychologique, psychanalytique, pédiatrique, etc. Il vous apprend en tous cas, à les prendre avec un certain recul – à la lumière de leur mise en situation, et à vous faire votre propre avis selon vos expériences pour faire le bilan de vos pratiques d’éducation de l’enfant.

La découverte plutôt que la transmission

Tu feras de la danse comme maman, ou de la guitare comme papa. Tu liras tous les soirs, parce que c’est comme ça. Point. Fini la transmission toute faite de l’adulte à l’enfant sans tenir compte de sa capacité à raisonner. Cet essai de François de Singly, montre la différence fondamentale entre une « éducation transmission » et une « éducation découverte » et comment ce modèle fait partie de la logique de notre société individualiste.

En prenant appui sur le fait que l’identité ne s’hérite pas – elle ne peut que se construire : l’éducateur actuel de l’enfant devrait s’adapter à la mise en place de ce long processus de construction de soi.

Selon ma lecture, tout apprentissage qui ne tiendrait pas compte de cette logique devrait inévitablement être repris en main ensuite par l’enfant ou le jeune adulte qui sera confronté un jour où l’autre aux injonctions individualistes de notre société. Permettre à l’enfant de réaliser ce travail de construction de soi à dans le foyer familial, dans les écoles, dans les hôpitaux, c’est lui offrir dès le départ une avance considérable vers lui-même et vers son épanouissement dans le monde qui l’attend. La société des individus. Il s’agit de lui mettre en main son autonomie dès son jeune âge. Même si cela ne signifie pas une « démission parentale » comme nous le verrons plus bas.

Offrir une méthode et non un savoir

Ce nouveau regard opère un glissement où le parent – ou l’éducateur, peut avouer son ignorance par rapport au savoir que l’enfant recherche. Le « nouveau travail parental », selon François de Singly, consiste alors à apporter les moyens nécessaires à l’enfant pour réaliser ses apprentissages : l’important est la méthode pédagogique, dans laquelle la curiosité parentale à l’égard des connaissances de l’enfant l’exhorte à s’exprimer et à faire la démonstration de ses nouvelles compétences. Cela coupe court au schéma habituel de l’autorité. Il n’y a plus de supériorité d’un savant sur un apprenti. L’apprenti devient le savant en progrès, et le maître, un guide. Un accompagnateur pour le voyage de l’enfant au pays de soi.

Aussi si je prends un exemple, vous n’avez pas besoin de connaître la recette du parfait au chocolat, mais de montrer à l’enfant où trouver les moyens de réaliser ce gâteau qu’il rêve de faire, et de mettre à sa disposition les outils et ingrédients nécessaires pour y parvenir. Alors que peut-être, vous auriez préféré lui montrer comment réparer le moteur de la voiture parce que c’est votre passion ! À moins que ce ne soit l’inverse ! L’essentiel est de permettre à l’enfant de « devenir lui-même ». De vous retirer de son jeu pour lui laisser cet espace nécessaire à la création son individualité.

Ainsi François de Singly commente : « L’enseignement traditionnel confond le savoir et la volonté de l’enseignant, qui accroît l’infériorité des élèves : « Expliquer quelque chose à quelqu’un, c’est d’abord lui démontrer qu’il ne peut pas le comprendre par lui-même. » (…) Jacotot avait la volonté d’aider ses étudiants sans posséder le savoir. (…) Le « maître explicateur » avait été remplacé par le « maître émancipateur ». » (Ibid., François de Singly citant Jacques Rancière, « Le maître ignorant », 10/18, Paris, 2004)

Le livre « Comment aider l’enfant à devenir lui-même » montre comment le parent ou tout autre compagnon de voyage, permet à l’enfant de devenir son propre mentor, le « maître » ne lui montre pas quel chemin prendre ni comment il doit marcher, il lui ouvre la porte.

Modeler l’environnement et non l’enfant

Comment donner une forme à l’enfant si on ne sait pas quel est son devenir ?

L’essai de François de Singly donne des pistes pour ne pas construire l’enfant à sa place, et propose de l’aider à se rencontrer lui-même. Il rend à l’enfant la possession de son identité.

François de Singly- curling

Je me souviens de cette image qu’avait pris François de Singly, celle du curling où le parent placerait son ardeur, son soin et son énergie à faire en sorte que l’environnement de l’enfant soi propice à rejoindre sa destinée. L’aider à avancer sur sa lancée, et ne surtout pas le toucher pour faire en sorte qu’il aille là où il veut aller. C’est un travail qui déplace l’endroit habituel de l’éducation : là où l’on voulait modeler l’enfant, c’est maintenant son environnement qui est ciblé afin que l’individu en devenir puisse s’y épanouir.

Je retrouve aussi une image de cette permission d’être soi dans la pensée du Tao, qui rencontre un succès actuel dans notre société : celle de la plante à qui l’on permet de grandir en enlevant ce qui gêne son passage. C’est le travail inverse de l’énergie placée pour contenir et sculpter les ardeurs d’un Bonsaï. Le nouveau travail parental ne consiste plus à sculpter l’enfant mais à sculpter autant que possible son environnement pour qu’il puisse y grandir et s’y épanouir.

Lâcher prise et permettre l’inattendu

Le livre de François de Singly montre comment laisser à l’enfant la possibilité, la place pour s’approprier les connaissances, les découvertes qui construiront les compétences propres de sa personnalité, ses aspirations et qui le mèneront de ce fait vers l’épanouissement de son identité et non celle de celui qui l’éduque.

Même si « c’est mignon tout plein » et que cela répond en fait à une logique de ressemblance confortant l’identité familiale, les enfants ne sont pas des « mini-moi » tel qu’on le trouve dans le film « Austin Power » de Jay Roach.

François de Singly Mini Moi Austin Power

Dans un monde où l’on en fait toujours plus, et de plus en plus pour les enfants, et si la solution était de s’écarter un peu ? « Le sentiment d’être soi naît de l’oubli, momentané, des rôles les plus contraignants que l’on a à jouer. » (François de Singly, Ibid., p.84). Il s’agit de faire confiance à l’enfant pour qu’il fasse son chemin. De simplement faire en sorte que les choses puissent s’accomplir. De lui faire de la place pour qu’il puisse grandir. Même si les surprises peuvent parfois dérouter le parent. L’essentiel est de permettre à l’enfant de tirer le bilan de ses expériences et de raconter sa propre histoire.

Le parent qui ne se substitue pas à l’enfant place son effort dans une retenue et une distanciation maîtrisée, ainsi qu’un travail sur l’environnement, permettant au jeune apprenti de construire son identité. Le parent reste à ses côtés : accompagner l’enfant dans son voyage vers lui-même.

Trouvez l’équilibre entre le cadre et la liberté

Pour François de Singly, il n’est donc pas question de démissionner, mais de travailler autrement à l’éducation de l’enfant. Le risque serait de basculer dans le trop ou dans le trop peu de présence du parent à ses côtés.

Le « curling » parental propose un travail tout en finesse : celui de trouver l’équilibre adéquat entre le cadre des règles et la liberté donnée à l’enfant pour qu’il puisse se découvrir lui-même. Le parent étant prêt à intervenir en cas de besoin ou de problème.

Cet essai vous permettra de trouver ou du moins de repenser à un équilibre entre protection et autonomie de l’enfant, de l’adolescent. C’est aussi accepter que les choses ne se passent pas forcément comme le parent l’espérait.

Le livre montre comment fixer le cadre de l’apprentissage pour laisser l’enfant découvrir le monde et par-là même, s’approprier son apprentissage. Donc lui-même. Un lui-même différent de vous, un lui-même singulier. Un individu.

Hors d’une pensée non-autoritaire, le modèle de François de Singly suggère que la liberté permise à l’enfant n’a de sens que dans un cadre où le respect mutuel est de mise, celui de refuser, celui de la vie commune en famille, celui des espaces, des rythmes temporels, du droit à la propriété. Vous découvrirez dans ce livre bien d’autres choses encore telles que les ressources fournies à l’enfant pour « créer un environnement riche, porteur de découvertes de soi » (Ibid., p.58).

Ce livre regorge d’anecdotes de parents mais aussi d’enfants et d’adolescents, ainsi que de références à la littérature qui en font un récit très agréable à lire, vivant et imagé. Avec ses 151 pages, il se lit plutôt rapidement. Pour ma part j’en ai souligné des passages que j’aime relire de temps en temps.

Pour moi, « Comment aider l’enfant à devenir lui-même » est un livre incontournable pour ceux qui souhaitent repenser l’éducation de l’enfant selon les nécessités de notre société.

 

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A bientôt !

 

Crédit Photo: Pixabay

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